VI. Le mur de la dette du secteur privé français

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Depuis la tempête financière de 2008, la dette privée des entreprises n’a cessé de gonfler sur la plupart des continents, atteignant des niveaux « considérablement plus élevée qu’avant la crise ».

Les entreprises concernées vont devoir faire face à un mur d’échéances de remboursement dans un proche avenir, soulevant à juste titre l’inquiétude des grandes institutions internationales.

La Banque des règlements internationaux (BRI), la banque des banques centrales, s’est alarmée dans son rapport de septembre 2019 du niveau trop élevé de la dette dans le monde  et des conditions de crédit trop faciles dans un contexte de survalorisation des actifs. 

Dans une étude détaillée sur le marché des financements à effet de levier, un autre économiste de la BRI, Tirupam Goel, souligne que l’ensemble de la dette à effet de levier (y compris les obligations « high yield » à haut rendement) a « doublé en taille depuis la crise financière mondiale ». Il excède désormais 2.600 milliards de dollars, dont l’essentiel aux Etats-Unis. Pour la première fois depuis une décennie, les prêts à effet de levier ont dépassé celui des obligations « high yield » et le cap des 1.000 milliards de dollars depuis fin avril.

Dans son  rapport sur la stabilité financière, publié en octobre dernier, le Fonds monétaire international (FMI) constate à son tour que la planète accuse actuellement un niveau d’endettement colossal, inédit en temps de paix.

La dette mondiale des secteurs public et privé confondus a atteint le montant inédit de 188.000 milliards de dollars, soit environ 230% du Produit intérieur brut mondial. L’économie mondiale accuse une dette record, largement alimentée par le secteur privé, ce qui n’est pas sans risque« , a déclaré la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. « En cas de ralentissement marqué de l’activité, dans le plus sombre des scénarios, 40 % de la dette des entreprises dans les huit plus grandes économies, soit 19 000 milliards de dollars [17 000 milliards d’euros], seraient exposés à un risque de défaut, soit plus que le niveau observé durant la dernière crise financière ».

1. La dette privée en hausse constante depuis 2008

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V. Niveau de valorisation et ratio d’endettement des PME non cotées

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Les PME européennes non cotées n’ont jamais été aussi chères à acheter. Comment, pourquoi, ce nouvel article va tenter d’expliciter ce phénomène.

  1. Méthode de valorisation d’une société non cotée

La valorisation d’une société non cotée est définie par un multiple de son Excédent Brut d’Exploitation (EBE ou Ebitda), définit par le profit brut de l’entreprise, ou encore son chiffre d’affaires moins ses charges d’exploitation, et avant frais financiers.

Le multiple d’EBE est calculé en divisant la Valeur d’une entreprise sur son EBE. Il reflète la rentabilité de l’exploitation courante d’une entreprise (son « cash-flow » d’exploitation) en prenant en compte son endettement (contrairement à l’EBE seul, qui n’en tient pas compte).

L’Argos Index® mid-market qui mesure l’évolution des valorisations des PME non cotées de la zone euro (dans la tranche de 15 à 500 millions d’euros) ayant fait l’objet d’une prise de participation majoritaire, a atteint au 2ème trimestre 2019 un plus haut niveau historique à 10,0 fois le résultat opérationnel avant dépréciation et amortissement (10,0 x Ebitda).

Ceci contraste fortement avec les multiples des sociétés cotées du mid-market malgré leur progression à 8,8 x l’EBITDA au 2ème trimestre 2019 due à la légère hausse des indices boursiers.

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A noter le plus bas niveau à 5.7 fois l’Ebitda au sortir de la crise de 2008.

La principale explication de cette augmentation des multiples dans un contexte de stagnation économique et de taux d’intérêt bas est la recherche de rendement par des fonds surfinancés et concurrentiels.

A titre de comparaison, le multiple des opérations de buy-out rapporté à l’EBE aux États-Unis juste avant la crise des subprimes se situait à 9.9 l’EBE (7.3 en 2003) pour stationner à présent en moyenne à des taux encore plus élevés autour de 11 ces 5 dernières années.

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IV. Structuration de la dette des montages LBO

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Bien que le sujet soit assez complexe, le plus souvent réservé aux initiés à la finance d’entreprise, l’objet de nouvel article, fondamental, est de comprendre les grands principes de la structuration de la dette par les fonds de Private Equity et sur laquelle repose le rachat d’entreprises, dans le cas présent, de laboratoires de biologie médicale, par LBO.

La montée en puissance des préteurs non bancaires a eu un impact profond sur la structuration des montages, avec une multiplication des nouveaux instruments de la dette (dette senior in fine, dette subordonnée), et un recours croissant aux prêts à clauses allégées (dit Cov-lite) afin d’optimiser et d’accroitre les montants de capital levés.

Un montage typique repose sur une dette à 3 étages :

  • une dette senior bénéficiant de garanties et qui sera remboursée en priorité
  • une dette subordonnée ou dette junior qui peut prendre la forme d’un financement mezzanine ou d’un emprunt obligataire à haut rendement (high yield) dont le remboursement intervient après celui de la dette senior,
  • et enfin, en dernier lieu, les capitaux propres.

Dans une opération de LBO classique, trois types d’intervenants sont généralement présents :

  • Des actionnaires aussi appelés sponsors qui apportent des capitaux propres aussi appelés « Equity »
  • Des prêteurs seniors c’est-à-dire des banquiers spécialisés en financements structurés
  • Des mezzaneurs apporteurs de quasi fonds propres en dette mezzanine (obligations convertibles, obligations à bons de souscription d’actions, dette subordonnée …)

Les rendements offerts varient en fonction de la séniorité de la dette, c’est-à-dire du niveau de priorité de l’investisseur en cas de liquidation de la société.

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III. Le LBO ou comment acquérir des laboratoires de biologie médicale par la dette

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« Aujourd’hui, tout le monde rêve de faire de la dette. Comme le Private Equity n’arrive plus à lever de l’argent, tous les fonds de Private Equity se mettent à faire de la dette », « C’est là où nous pensons avoir le meilleur ratio rendement/risque, c’est là où nous avons le plus de marge », déclarait ainsi le responsable d’un des fonds pionniers en LBO en 2008 (source).

 

L’acronyme LBO, pour désigner le terme Leveraged Buy Out, désigne une opération financière à effet de levier, c’est-à-dire l’achat d’une entreprise grâce à un recours significatif à la dette financière. Cette opération implique la création d’une société holding détenue par les investisseurs acquéreurs. Cette société détient 100% du capital de la ou des sociétés cibles. La holding s’endette pour acquérir les actions de cette cible. La dette, ayant permis le transfert de propriété, est ensuite remboursée grâce aux remontées de trésorerie provenant de la cible. Les actionnaires de la holding se rémunèrent également par le versement des dividendes de la société cible. L’intérêt de ce montage financier est de maximiser la rentabilité des capitaux investis lors de l’acquisition, en engageant le moins de fonds propres possibles.

La principale caractéristique et le grand intérêt d’une acquisition par LBO résident dans les différents effets de levier qu’elle conjugue en son sein.

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II. Fonds de « Private Equity » : caractéristiques et rôle dans la consolidation du secteur de la biologie médicale

Fonds de « Private Equity » : caractéristiques et rôle dans la consolidation du secteur de la biologie médicale

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Le Private Equity, appelé également Capital Investissement, est une classe d’actifs à part entière, décorrélée des marchés financiers publics (d’où le terme « private »). Il est géré par des fonds d’investissement spécialisés pour le compte d’investisseurs financiers. Son activité principale consiste à prendre des participations dans le capital d’entreprises non cotées en Bourse, ayant besoin de se financer pour se développer ou être transmises.

Ces prises de participations peuvent financer 4 types d’activité :
Le capital risque (ou capital innovation ou venture capital) : finance le lancement de l’activité d’une entreprise en phase de création ou de démarrage.
Le capital développement (growth capital ou capital croissance) : finance la croissance interne comme externe (développement, financement d’acquisitions) d’entreprises
Le capital retournement : finance la restructuration d’une entreprise en difficulté
Le capital transmission : finance l’entrée au capital d’une entreprise pour l’accompagner dans sa transmission ou sa cession notamment lorsque les actionnaires majoritaires souhaitent se retirer.

D’une manière générale, une entreprise peut se développer de manière organique ou par croissance externe. Dans la première option, elle utilise ses propres ressources pour innover, investir et recruter, en profitant des opportunités de son marché. Dans l’autre cas, elle se développe en rachetant d’autres sociétés afin de créer des synergies industrielles (build-up sectoriel). C’est dans ce deuxième cas qu’elle peut faire appel aux fonds de Private Equity, qui mettent alors en œuvre le rachat de celle-ci par la dette en utilisant les montages LBO (dont le mécanisme sera abordé en partie III) et leur apporte (en réalité leur prête) la liquidité financière dont ils ont besoin.

Dans une opération typique de rachat par effet de levier, une société de capital-risque achète donc le contrôle majoritaire d’une entreprise existante ou mature et lui fournit du fonds de roulement pour favoriser son expansion, le développement de nouveaux produits ou services ou la restructuration des activités,…

Pourquoi les entreprises ne recourent elles pas à l’emprunt bancaire classique pour se financer ?

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I. Le rachat par endettement des laboratoires de biologie médicale français : vrai danger ou réelle opportunité de développement? —Trailer—

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I. Trailer

 

En l’espace d’une décennie, près de la moitié du capital des laboratoires de biologie médicale (LBM) français a changé de main. Auparavant détenu par des professionnels de santé libéraux, qui possédaient le capital attaché à leur outil de travail, celui-ci est progressivement passé sous le contrôle de sociétés de fonds privés de capital-investissement (private-equity), spécialisés dans le rachat par endettement (leverage buy out, dit LBO, acquisition avec endettement à effet de levier) de sociétés non cotées en Bourse, en quête de financement alternatif au secteur bancaire traditionnel pour se développer ou être transmises.

Ce phénomène s’est particulièrement amplifié depuis 2010 dans le secteur des laboratoires de biologie médicale en France par une conjonction macro-économique extrêmement favorable : « marché » morcelé, consolidation du secteur rendue possible par la législation -malgré l’opposition des syndicats représentatifs de la profession- assouplissement législatif, accréditation qualité, baisse tarifaire…, mais aussi du nombre élevé de biologistes libéraux cédants potentiels (du fait d’une pyramide des âges favorable), et des taux d’emprunts extrêmement bas.

En face, les fonds de Private Equity dont les plus grands noms sont Blackrock, KKR, PAI Partners, Cinven, CVC, …

Inondés de capitaux ces dernières années (1500 milliards de dollars à investir dont la moitié sur la niche du rachat par endettement (LBO)), ils se sont progressivement substituées aux banques après la crise financière de 2008 dans leur rôle de prêteurs auprès des entreprises privées. La promesse d’un taux de rendement initial de 10% à 20% – lorsque la Bourse ne produit que 7%- a logiquement entraîné un transfert mondial massif de liquidités des marchés de capitaux-actions vers ces fonds de placement.

Ces fonds de capital-investissement sont spécialisés dans le rachat par endettement ou effet de levier de sociétés non cotées en Bourse, en particulier des PME dit « mid-market » en Europe et à l’international.

Le rachat d’entreprise par effet de levier consiste à racheter une entreprise au travers de la dette et pour une part marginale de fonds propres, via la création d’une holding détenue par le fond. La dette de la holding est ensuite remboursée grâce aux remontées de dividendes provenant de la société cible et bénéficiant du régime de l’intégration fiscale mère-fille. Outre l’aspect financier, juridique et fiscal, le levier opérationnel est orienté vers la maximisation de la performance économique de la société cible en l’incitant à dégager le maximum de marge et de cash-flow, tout au long de la période au cours de laquelle le fond est présent au capital de la société.

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180 millions de régulation exceptionnelle : résister ou renoncer définitivement au modèle français libéral de biologie médicale

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C’est un coup de tonnerre dans le ciel déjà bien sombre de la biologie médicale libérale. Le rapport charges et produit de l’Assurance Maladie qui vient d’être rendu public préconise une nouvelle baisse de NABM, inédite par son ampleur, à hauteur de 180 millions d’euros pour 2020 représentant un effort de -4.8% sur une enveloppe de remboursement de 3731 millions d’euros.

C’est presque le double du montant de 95 millions d’euros qui avait été imposé l’année passée et mis en application en concertation avec les syndicats professionnels via l’accord triennal 2016/2019, venant s’additionner au milliard de baisse cumulée depuis 12 ans. Cet effort représente 9% des économies tout secteur confondu (médicament, transports, paramédical ou structuration de l’offre de soin ambulatoire ou hospitalière) alors que la biologie médicale ne représente que 1.8% des dépenses courantes de santé.

En l’espace de quelques années, la profession a su s’organiser autour de plateaux techniques performants et accrédités, ce qui a représenté un investissement financier et humain des biologistes considérable. La biologie médicale est malgré cela la seule profession conventionnée à être contrainte de diminuer la valeur de ses actes chaque année du fait des augmentations de volumes afin que l’enveloppe de remboursement soit toujours quasi constante pour l’Assurance Maladie. En l’espace de 20 ans, tous les actes de biologie médicale ont ainsi vu leur prix réel divisé par 2. Alors qu’elle est trop souvent perçue comme un poste de coût, la biologie médicale française constitue au contraire un facteur d’efficience méconnu dans le système de santé.

L’ampleur de l’effort qui est aujourd’hui demandé par les pouvoirs politiques aux biologistes médicaux va irrémédiablement déstabiliser une profession déjà fragilisée par l’industrialisation rampante, la financiarisation et un endettement lourd de certains acteurs, ce qui rend conjectural son impact sur le long terme, notamment en termes de qualité, de proximité et de permanence des soins.

La biologie médicale, étape essentielle du parcours de soins, est financièrement sous pression

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Libre concurrence pour les analyses médicales : le business model de la biologie industrielle en marche

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Alors que le spectre d’un nouveau rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur l’efficience de la biologie médicale française semblait s’éloigner, c’est l’Autorité de la concurrence (ADLC) qui -de sa propre initiative-, se charge finalement d’analyser l’organisation et les règles de la concurrence sur les marchés de la biologie médicale. Dix ans à peine après la loi « Ballereau » ayant profondément modifié le paysage de la biologie, l’Autorité de la concurrence reste convaincue que,  « s’ils ont permis de répondre par le passé à de véritables préoccupations de santé publique, les textes réglementaires français contiennent des restrictions injustifiées à la libre concurrence relatives aux règles d’implantation territoriale, aux conditions d’exercice et modalités de détention de leur capital, handicapant inutilement le développement des laboratoires ».

Pour renforcer ses arguments, l’Autorité de la concurrence s’est appuyée sur l’audition d’un certain nombre d’acteurs de la profession. Une consultation des professionnels au travers d’un questionnaire en ligne est en cours. Son rapport intermédiaire est en ligne et ses conclusions finales sont attendues pour le début de l’année 2019.

Le triple rôle de l’Autorité de la concurrence en France et en Europe

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Le modèle d’exercice de la biologie médicale française mérite t’il son statut d’exception et doit-il être préservé ? Comparaison avec l’Allemagne.

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La biologie médicale est en France une discipline médicale à part entière, participant directement à l’élaboration de 60 à 70% des diagnostics et exercée par des médecins et des pharmaciens biologistes. Le circuit de l’examen comprend la vérification de la prescription, le relevé de renseignements cliniques pertinents, le prélèvement, l’analyse et le rendu du résultat avec commentaires, ces différentes phases étant réalisées sous l’entière responsabilité du biologiste médical.

Le nouveau paysage de la biologie médicale française

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