Quelques journalistes (Marianne, Le Monde ou encore plus récemment Challenges) se sont récemment émus du montant de la facture des tests Covid et se sont attachés à dénoncer le profit démesuré qui aurait été réalisé par les laboratoires de biologie médicale lors de la crise Covid.

La question est ainsi posée, comme une bombe : y aurait-il eu un effet d’aubaine, un enrichissement lié à une situation de rente dans le secteur des laboratoires de biologie médicale ?

On ne peut en effet nier que cette augmentation d’activité par son ampleur a fait croitre le chiffre d’affaires des laboratoires de biologie médicale privés de façon inédite et tout à fait exceptionnelle. A l’heure où les négociations tarifaires des actes de biologie de routine vont reprendre avec la CNAM, ce nouvel article de viedebio va tenter de faire le point et poser les bonnes questions sur ces derniers 18 mois de crise, afin que l’histoire ne soit pas réécrite à posteriori.

Le chaos des premiers mois

Pendant de longues semaines, les laboratoires de biologie médicale de ville ont été contraints de gérer la crise sanitaire, la désorganisation de l’activité de routine (en chute de de 40 à 50% au moment du confinement), l’absentéisme de leur personnel, le désarroi du personnel mobilisé, l’afflux continu de patients, souvent agressifs,… sans soutien ni équipement : pas de masques, pas de gel hydro alcoolique, pas d’autorisation administrative, et surtout pas d’automates PCR suffisamment dimensionnés ou de réactifs… : le vide absolu.

A la mi-mars, alors que l’OMS exhortait au testing de masse, la DGS publiait ce laconique message :

« à ce jour, seule une quarantaine de laboratoires du service public est autorisée à réaliser le diagnostic du Covid-19. Les laboratoires du secteur privé ne disposent pas encore de cette autorisation tant que des masques filtrants de type FFP2 ne seront pas fournis par Santé Publique France ».

Le dépistage PCR des patients porteurs du Covid : l’étau administratif ou l’angle mort de la lutte française contre l’épidémie

Accusant un retard d’investissement abyssal, en grande partie lié au sous financement chronique dans le secteur de la biologie moléculaire, doublé d’une certaine inertie technocratique, la France n’a ainsi pas pu tester pendant de nombreuses semaines, et a été acculé à un confinement strict de sa population de plus de 2 mois.

https://twitter.com/LCI/status/1242395197721501703?s=20

La France « fait le choix » de restreindre le dépistage aux personnes présentant les symptômes les plus graves, les laboratoires doivent « faire le tri ». Ce « choix » se révèle « incompréhensible » d’un point de vue médical ou scientifique.

L’absence d’offre de testing commence alors à faire scandale en France : pourquoi ces tests sont-ils au cœur du débat mondial, de la Corée du Sud aux États-Unis, en passant par l’Allemagne, l’Australie et la Lombardie, mais restent soigneusement hors de portée en France, où le directeur général de la santé, M. Jérôme Salomon, n’envisage leur usage massif qu’« à la sortie du confinement » ?

Comment expliquer que la France ait effectué, au 20 mars 2020, près de deux fois moins de tests par million d’habitants que l’Iran ou l’Autriche ? Qu’avec moins de 40 000 tests pratiqués à cette date elle soit loin derrière les 316 644 de la Corée du Sud, les 167 000 de l’Allemagne, les 143 619 de la Russie ou les 113 615 de l’Australie ? 

https://www.worldometers.info/coronavirus/#countries

Le gouvernement français ne peut méconnaitre l’intérêt central du dépistage systématique, permettant de briser les chaînes de transmission en isolant sélectivement les individus malades. Tout le monde s’en souvient, le directeur de l’Organisation Mondiale de la Santé martèlait dès début mars 2020 : « nous avons un simple message pour tous les pays : tester, tester, tester ! ». Dans les autres pays, comme en Allemagne notamment, on observe que les mesures de confinement sont moins restrictives, le taux de mortalité des patients positifs plus bas et, surtout, le nombre de morts bien moins élevé qu’en France (source)

La réponse est simple : la biologie médicale française est nue !  Sous équipée, sous financée, déconsidérée depuis des années par les pouvoirs publics, l’élément peut être le plus révélateur : ses professionnels oubliés initialement de la liste de bénéficiaires des masques, oubliés de la liste des personnels prioritaires pour les gardes d’enfants, la profession « biologistes médicaux » n’existant même pas dans le code de santé publique, informés par voie de presse, les DGS-urgents commençant à traiter de sujets spécialisés comme la biologie moléculaire ne parvenaient jusqu’en janvier 2021 ni aux biologistes médicaux médecins, ni aux techniciens de laboratoire, contrairement aux masseurs-kinésithérapeutes ou chirurgiens-dentistes…

Il faut dire qu’avant la crise Covid, les laboratoires de biologie médicale étaient surtout perçus comme une ligne de coût à méthodiquement réduire. A étrangler financièrement par le PLFSS et son bras armé la Cour des Comptes, l’IGAS, la CNAM depuis plus d’une décennie par un strict tour de vis chaque année, dans une logique politique et économique aveugle de réduction des dépenses de santé, dominantes depuis 20 ans. Un financement suivant l’Ondam, +2.4% ? la moyenne de la progression des dépenses de santé ? comme le reste des spécialités afin de tenir compte d’un nombre d’acte en constante augmentation, lié aux progrès techniques, médicaux et au vieillissement de la population ? Non, une augmentation tolérée de seulement +0.25%/an, la fameuse régulation coût/volume en vigueur depuis 10 ans, qui permettrait aux laboratoires de fermer 10 à 15 jours à Noël sans aucun impact financier puisqu’à partir de cette date, ils se mettent à travailler gracieusement (en devant rendre la somme perçue sous forme de décote des actes l’année suivante).

La problématique résumée : très peu de nouveaux actes de biologie moléculaire (PCR) inscrits à la nomenclature avec des technologies qui ont parallèlement continuer d’évoluer. Conséquence : la biologie médicale française est restée à quai. Afin de maintenir leurs marges bénéficiaires (ayant largement diminué depuis 10 ans d’après un rapport de l’IGAS de 2018 mais non rendu public), comme toute entreprise privée, les laboratoires privés ont cherché à s’adapter et à réduire leurs coûts, leurs investissements, mener des restructurations en regroupant leurs plateaux d’analyses. Ces restructurations ont été ardemment souhaitées par les gouvernements successifs. En conséquence, la biologie moléculaire (PCR) a été sous traitée, externalisée vers des plateformes régionales, souvent sur des automates fermés au ratio coût/volume calibrés en fonction du volume strict d’activité, qui se sont révélées parfaitement inutile puisqu’incapables d’y installer un nouveau test ou de traiter de gros volumes. En France, on ne comptait avant la crise Covid qu’une cinquantaine de laboratoires disposant de plateformes de  biologie moléculaire « ouvertes » en France, principalement des CHU, en plus de quelques laboratoire publiques et unités de recherche.

La course à l’armement

Les laboratoires de ville, une fois identifiés comme des professions de santé prioritaires pour la délivrance des masques ont pu assez rapidement se mettre en ordre de bataille et s’organiser, se réorganiser pluri quotidiennement pour trier, prélever et adresser un quota d’abord très limité d’échantillons à des laboratoires sous-traitant de référence ou à des laboratoires de proximité, départementaux, de recherche et même vétérinaires, disposant quant à eux d’extracteurs d’ARN, d’automates de biologie moléculaire ouverts et ayant pu y adapter le précieux réactifs, en attendant de pouvoir eux-mêmes s’équiper.

Ils ont recruté massivement, les effectifs ont crû de 10 %, avec plus de 50.000 salariés dans la branche, formé d’autres catégories de professionnels de santé autorisés à prélever aux prélèvements naso-pharyngés (infirmières, pharmaciens, etc…), gérer la logistique, la communication, l’installation des plateaux,…

La plupart des laboratoires sont partis de zéro ou presque avec un objectif fixé par le gouvernement de réaliser 700 000 tests par semaine au déconfinement, dans une situation de concurrence mondiale de course à l’équipement…

Distinguer le coût du pré post analytique de l’analytique

Cela amène une première réflexion :  tous les laboratoires n’ont pas bénéficié de cette manne financière dans les mêmes proportions : 25 euros pour les laboratoires gérant les rendez vous, les files (parfois avec des vigiles), constituant les dossiers administratifs, réalisant le prélèvement, le SAV du rendu des résultats et près de 50 euros pour les laboratoire traitant techniquement l’échantillon… Des laboratoires qui ont cependant indéniablement investi dans la modernisation de leurs plateau technique, 150 000 euros par automate hors réactifs et sans aucune visibilité économique à l’époque. Les grands groupes, Eurofins, Cerba, Biogroup ont ainsi acheté des centaines de plateformes de haute cadence dès mars 2020.

« On nous a pris pour des fous à l’époque, parce qu’on s’est mis en danger financièrement, mais le résultat c’est qu’on a pu amortir des machines qu’on aurait mis dix ans à payer »

un porte-parole du laboratoire Biogroup

 Et ils n’ont pas été les seuls à bénéficier de cette tarification « technique » généreuse : des laboratoires publiques, départementaux, vétérinaires, de recherche qui disposaient déjà de l’équipement nécessaire et qui ont juste eu à embaucher du personnel technique supplémentaire (source).

Ce facteur s’est amplifié à partir du 15 décembre 2020 avec la création d’un bonus/malus pour inciter les LBM au rendu rapide des résultats à partir du moment de prélèvement. Si le rendu SI-DEP s’opère moins de 12H après le prélèvement, le laboratoire se voit créditer un B40 (soit 10 euros de bonus), dans le cas contraire, il doit rembourser à l’Assurance Maladie un B45 (soit 12 euros) voire la totalité de l’acte en cas de rendu > 48H. Une panne ? Un laboratoire sous-traitant ne respectant pas ses engagements de rendu ? C’est le laboratoire de proximité facturant qui doit rembourser l’Assurance Maladie la totalité de l’acte technique et des frais administratifs et a par conséquent travaillé à perte.

Tout n’est donc pas aussi simple qu’au premier abord.

Un pognon de dingue : la facture à plusieurs milliards d’euros du dépistage 

qui n’a pas profité qu’aux laboratoires…

En 2020, c’est 33,7 millions de tests RT-PCR et 2,8 millions de tests antigéniques (TAG) qui ont été réalisés par les laboratoires de biologie médicale et les pharmacies pour un coût total de 2.7 milliards d’euros.

En 2021, ont été réalisés au 31 août 62 millions de tests PCR pour un coût estimé à plus de 2 milliards, soit la moitié de l’enveloppe de financement pour l’ensemble de la biologie de routine. Auxquels il faut ajouter les 41 millions de TAG réalisés en 2021 réglés aux pharmaciens d’officine (90% de l’activité des TAG) pour plus de 1 milliard d’euros.

Le cout pour la Sécurité Sociale pourrait donc grimper jusqu’à 6 milliards d’euros pour financer l’ensemble des tests sur l’année 2021.

Tests COVID01/06/20 => 31/05/2101/03/20 => 31/08/21
PCR (n / %) 65 (75%)92 (70%)
TAG (n / %)21 (25%)40 (30%)
Total en millions86 millions132 millions

Pour suivre les statistiques sur les tests en France https://drees.shinyapps.io/delais_test_app/

Le Gouvernement a ainsi fait le choix de permettre à chacun de pouvoir aller se faire
diagnostiquer, sans recourir à l’avis de son médecin traitant en prenant en charge par le biais de l’assurance maladie 100% des coûts des tests PCR et antigéniques.
A l’été 2021, un sentiment de perplexité a tout de même envahi les professionnels de santé impliqués dans le testing lorsqu’il a fallu admettre que les autorités allaient faire financer par la Sécurité Sociale le pass sanitaire « loisirs » : restaurants, ciné, piscine, open bar, sans ordonnance, pour l’ensemble des assurés et même ressortissants étrangers !

Aujourd’hui, depuis l’instauration du pass sanitaire, le testing semble se stabiliser sur 2/3 de tests PCR réalisés par les laboratoires de biologie médicales et 1/3 de tests antigéniques réalisés par les pharmacies, celles-ci semblant absorber le surplus de tests PCR « de confort » essentiellement lorsque les capacités des laboratoires sont dépassées, observé d’abord à Noël dernier et depuis l’instauration du pass sanitaire, avec des pics à l’approche des WE chez les jeunes de 16/25 ans, comme rapporté par le graphique ci dessous.

Enfin, le graphique ci-dessous met en évidence une donnée d’importance : le volume de tests PCR et antigéniques a réellement explosé à partir de juillet 2021, soit 3 mois après la diminution de la tarification des tests PCR au prix le plus faible d’Europe, pour un volume dépassant le testing cumulé des vagues d’octobre 2020 et mars/avril 2021. Dopés par l’extension du pass sanitaire, l’ensemble des tests a alors atteint un niveau record de quasi 6 millions par semaine mi-août, un record – surtout dû aux 4 millions de tests antigéniques des pharmaciens réalisés par plus de 10 000 pharmacies (la moitié des pharmacies en France), au prix remboursé de 25 euros (pour un coût d’achat unitaire d’environ 5 euros) ayant donné lieu à un certain « business des barnum » avec surement de nombreux dérapages, dont les plus grossiers ont été signalés aux autorités compétentes (cf article France info Marseille).

Tarification des actes PCR : le délai de rendu en pierre angulaire de la modulation tarifaire

Initialement, le tarif de l’acte PCR Covid a été fixé en 2020 par la CNAM à 54 euros hors prélèvement (+10 euros) et frais administratif (+ 10 euros). A comparer à la tarification de l’acte l’HPV (papillomavirus, dans le dépistage primaire du cancer du col), utilisant la même technologie, actuellement fixée à 27 euros, cela pose en effet question !

Une question qui est assez récurrente dans les médias : quel déroulement des négociations pour fixer le prix des tests PCR en 2020 ? Peut-être s’imaginent ils que les représentants syndicaux de la profession se sont sentis en position de force pour imposer un tel tarif ? C’est bien sûr une possibilité mais il est curieux de s’imaginer une telle efficacité et brutal sens de la persuasion avec un tel passif d’échec sur les négociations tarifaires depuis 10 ans. Non, on l’aura compris, il y a clairement eu un prix d’appel pour que les laboratoires lancent un investissement massif de rattrapage en extracteurs, automates PCR, réactifs et le recrutement de personnels en charge de les faire tourner afin d’être en mesure d’absorber un tel volume d’analyse et ce, en tout point du territoire 6 jours sur 7. Car intervenait alors un élément qui était sorti des radars des contraintes imposés à notre profession vouée aux saints de l’industrialisation : le délai de rendu ! Pas question de faire voyager les prélèvements sur des demies journées voire des journées entières en sachant l’importance cruciale du facteur temps pour l’isolement et le contact tracing. Matignon, balayant cet aspect du revers de la main à peine quelques mois plus tôt, en imaginant encore pouvoir diviser par 2 le nombre de plateaux techniques en France, prenait subitement conscience que l’organisation territoriale de la biologie médicale pouvait devenir un enjeu de santé publique en cas de crise sanitaire !

Que la réalité a été cruelle avec cette vision purement comptable… le milliard économisé en 10 ans de réduction budgétaire sur les actes de routine aura été consommé en seulement 6 mois de pandémie.

Une fois le rythme de croisière en capacité de dépistage et délai de rendu a été atteint sur l’ensemble du territoire, le prix d’appel de l’acte technique de 54 euros, modulé par le délai de rendu dès décembre 2020, a été ajusté au 1er avril à 37 euros pour atterrir à 27 euros (hors bonus de délai de rendu) dès le 1er juin 2021.

La Cour des Comptes, qui a rendu son rapport ce 05/10/2021 semble amèrement regretter cette diminution de tarification intervenue selon elle trop tardivement, l’amortissement du coût d’équipement en automate étant considéré comme réalisé par la plupart des structures bien avant avril 2021.

En passant la barre des 3 millions de dépistages effectués par semaine, la France a multiplié par plus de 10 ses capacités par rapport au déconfinement et comme raconté dans cet article, on partait de très loin ! Néanmoins, le point critique pour le ministère de la Santé se situait au niveau du délai de rendu qui a pu être de 3 à 4 jours fin 2020 pour certains grands groupes que nous ne citerons pas : comment être réactif sur le contact tracing dans ces conditions ! Au mois de décembre 2020 : 75% des tests RT-PCR étaient validés dans les 24h suivant le prélèvement. Aujourd’hui, la part des tests PCR validés en moins de 24H est de 99%. Plus de 9 départements sur 10 ont un délai médian entre prélèvement et validation du résultat d’un test RT-PCR inférieur à 12 h. Des investissements techniques complémentaires de la part des groupes de laboratoires expliquent cette amélioration, raison pour laquelle le gouvernement aurait décidé de ne pas réajuster la tarification en début d’année 2021.

Aujourd’hui, le gouvernement porte en étendard l’offre de dépistage français

Le testing de masse a représenté un investissement économique pour le gouvernement : ne pas avoir à reconfiner strictement une seconde fois le pays (coût = 4 à 16 milliards par semaine), permettre à l’économie, notamment de tourisme, de pouvoir fonctionner cet été et massivement pousser la population à la vaccination via l’instauration d’un pass sanitaire, avec un succès politique et médical qu’on ne peut pas nier.

C’est “le meilleur investissement qui soit”, indique-t-on à Bercy.

[France inter 02/02/21]

Pourquoi les prix divergent ils autant d’un pays à l’autre ?

Soyons honnête : il n’y a aucune raison médico-économique à un coût de revient majoré dans les autres pays industrialisés. Pour comprendre, il faut plutôt s’intéresser aux mécanismes de prise en charge financière des actes par les organismes sociaux. Si l’on prend le cas de l’Allemagne (qui ne rembourse comme beaucoup d’autres pays en charge uniquement les cas symptomatiques sur prescription), le prix indiqué sur ce document, entre 59 et 190 euros, correspond en réalité au prix du test fixé suivant les lois de l’offre et la demande (et la capacité financière de cette dernière). En France, non seulement pour le moment (et jusqu’au 15/10/21) toutes les indications des tests bénéficient d’une prise en charge financière à 100% par l’Assurance maladie mais du fait du conventionnement liant les laboratoires de biologie médicale à la Sécurité Sociale, les laboratoires ne sont pas autorisés à faire du dépassement d’honoraires pour les actes inscrits à la nomenclature, y compris dans une situation de non remboursabilité ou même pour les ressortissants étrangers. Biogroup, 1er réseau de laboratoire privé français, ne s’y est pas trompé et a ouvert une succursale de l’autre côté de la Manche où la biologie privée ne représente que 5% du marché : 135 livres le test PCR (160 euros), 360 livres le test PCR rendu en moins de 2H soit 425 euros. 10 fois plus cher qu’en France, qui dit mieux !  (cf article sur le business des tests PCR au Royaume Uni)

Notre stratégie est opportuniste : il y avait une crise sanitaire et on a mis nos moyens au service de la population anglaise et londonienne. Le fait que ces tests PCR de confort ne soient pas pris en compte par le secteur public est un marché pour nous, en revanche, les volumes sont mécaniquement réduits. Donc la capacité à amortir les équipes, le matériel, les locaux reste plus limitée, d’où un niveau de prix supérieur à celui de la France. A plus long terme, nous pourrions développer une offre de biologie médicale en Angleterre, qui serait à même de compléter les besoins du secteur public quand il y a des crises ou besoin de développer des nouvelles technologies.

Le co-fondateur de Biogroup UK et directeur Biogroup de la région ouest France à l’AFP

Nous pouvons donc tirer un enseignement très simple à cela : la rentabilité économique des laboratoires en France est en baisse depuis 10 ans. Cette rentabilité est bien plus importante dans d’autres pays mais ce surcroit de rendement n’est pas financé par la collectivité : il s’agit d’une dépense privée, un reste à charge pour le patient. Une pratique qui a également court pour d’autres actes de biologie de routine, permettant à ces laboratoires de dégager de meilleures marges, et par conséquent de mieux investir, et d’avoir été d’emblée mieux armé pour affronter la crise Covid. En France, le secteur est solvabilisé par la Sécurité Sociale, égalitaire, sans aucun reste à charge (ou très peu) pour le patient mais à un tarif plancher cantonnant le secteur à des investissements plus mesurés.

Pour en savoir plus

Les dépenses de santé, le nerf de la guerre ?

Dans la gestion de cette crise sanitaire, il y a donc eu 2 catégories de pays : ceux qui se sont donnés les moyens de financer leur politique de santé et ceux qui ont fait des plans d’économie sur celle-ci et se sont trouvés fort dépourvus quand le SARS Cov 2 fût venu :   – pas de stock de masque, plus d’usine de masque, pas de tests, arrêt de la R&D sur les vaccins par les groupes pharmaceutiques nationaux, un nombre de lit d’hospitalisation insuffisant…. Des choix qui se sont soldés par la nécessité de confiner, une lourde mortalité, des choix qui se payent encore aujourd’hui au prix fort.

Comment la France se positionne t’elle dans le temps par rapport aux autres pays de l’OCDE ?

  1. Sur les dépenses de santé totales
Source : panorama de la Santé OCDE 2019

En 2018, la France est loin d’être le pays consacrant le plus d’argent au remboursement des frais de santé par habitant mais se distingue par un reste à charge très faible.

https://data.oecd.org

Les dépenses de santé d’une sélection de pays économiquement proche de la France, exprimées cette fois ci en % du PIB. Première observation, une forte hausse après la crise économique de 2008, où les PIB de l’ensemble des économies avancées se sont fortement dégradés (cet article de la Tribune apportera des éléments d’explication à ce sujet). Deuxième observation, la France est le seul pays à dégrader le niveau de ses dépenses en % du PIB consacrées à la Santé depuis 2016 (le PIB étant à peu de chose près constant de 2016 à 2019).

Dans le montant consacré aux dépenses de santé par habitant, l’écart se creuse assez sévèrement avec l’Allemagne depuis 2014 et l’on observe que le Royaume Uni, dont le niveau de dépense était assez faible, est en train de rattraper très rapidement depuis 2020 son retard en la matière (effet Brexit?)

https://data.oecd.org

2. Sur le plan des dépenses pharmaceutiques

https://data.oecd.org

La France a énormément œuvré pour réduire ses dépenses pharmaceutiques et la réussite est incontestable (cf courbe bleue…). Le PLFSS 2022 prévoit pourtant une nouvelle économie de 1,25 milliard d’euros sous forme de baisse de prix des produits de santé, tout en souhaitant financer l’innovation et la souveraineté sanitaire à travers la relocalisation des capacités de production. En 2005, la France était le premier producteur européen de produits de santé, elle occupe aujourd’hui la cinquième place. La moitié des capacités de production ont été perdues.  

Le G5 Santé, qui regroupe les huit principales entreprises françaises de la santé et des sciences du vivant (bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier, Théa), a réclamé le 05/10/21 lors d’une conférence « un moratoire sur la baisse des prix des médicaments à fort enjeu d’indépendance sanitaire ».

3. Sur le plan de la démographie médicale

https://data.oecd.org

Ce n’est pas une surprise, la démographie médicale est une catastrophe en France suite à la restriction du numerus clausus au début des années 2000 et la féminisation non anticipée par les pouvoirs publics de la profession. Selon une étude récente, le nombre de médecin en France va continuer à baisser jusqu’en 2024 et ne retrouvera son niveau actuel qu’en 2035. A mettre en parallèle avec l’évolution projetée du vieillissement de la population, qui accroît nécessairement la demande de services de santé, en particulier pour les soins de longue durée.

Site de l’Ined https://www.ined.fr/fr/actualites/presse/le-vieillissement-de-la-population-sE28099accelere-en-france-et-dans-la-plupart-des-pays-developpes/

Les progrès médicaux, sanitaires et sociaux ont permis à bien plus de personnes d’atteindre les grands âges, auxquels les problèmes de santé sont malheureusement courants. Mais ces progrès sont couteux : oncologie, soins interventionnels, suivi… sans compter la prévention ! autant de dépenses en termes d’examens de biologie médicale qui auront une tendance naturelle à croitre proportionnellement, quelle que soit l’énergie déployée à les maitriser…

4. Sur le plan des niveaux de prix dans la Santé

Le graphique ci dessus présente une comparaison des prix d’un panier type de produits et services de santé et des prix entre différents pays. On observe que les prix sont, selon les estimations, 10 % supérieurs en Suède, 20 % en Norvège et jusqu’à 39 % en Suisse. Dans tous les pays de l’OCDE, les prix sont en moyenne inférieurs de 28 % à ceux pratiqués aux États-Unis. Les prix des soins de santé en France et en Allemagne sont étonnamment inférieurs d’environ 33 % par rapport aux États-Unis, et de 50 % par rapport à la Suisse voisine, suggérant une médecine déjà au juste coût ?

5. Sur le plan de la biologie médicale

Malheureusement, le très intéressant site de l’OCDE d’où sont tirés les graphiques précédents ne s’intéresse pas aux dépenses de santé pour les actes de laboratoire, surement trop insignifiantes au regard des dépenses totales de santé (pour mémoire, 2.4% de la consommation de soins et de biens médicaux en France)  mais il est cependant possible de retrouver dans la base de données en ligne des rapports de santé (GBE) du gouvernement fédéral allemand www.gbe-bund.de l’évolution de l’enveloppe des dépenses allemande des services de biologie ou « Laborleistungen » (qui avait fait le succès du premier article de ce blog en 2018).

www.gbe-bund.de
Site de la DREES https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Vue%20d%E2%80%99ensemble.pdf
Tableau comparatif des dépenses en biologie médicale entre la France et l’Allemagne

Plusieurs constats :

  • La biologie purement analytique allemande coute à présent aussi chère que la biologie all inclusive française, en moyenne environ 65 euros par habitant et par an
  • Le delta de financement des 10 dernières années entre l’Allemagne et la France explique le retard français en terme de capacité d’investissement : les investissements n’ont visiblement pas été financés par la restructuration du secteur, contrairement aux promesses faites par les grands groupes à l’Etat il y a 15 ans au moment de la réforme.
  • L’enveloppe de dépense de biologie par an et par habitant en France depuis des années équivaut au remboursement d’un test PCR et demi par habitant… vertigineux quoiqu’il en coûte !…  

Pour en savoir plus

Panorama de la Santé 2019 Le Panorama de la santé compare les indicateurs clés relatifs à la santé de la population et à la performance du système de santé entre les pays. Elle montre clairement les fortes variations en ce qui concerne l’état de santé de la population et les risques sanitaires, ainsi que les différences de coûts, d’affectation des ressources et d’activités des systèmes de santé.

Les dépenses de Santé en 2020 (panorama DREES)

PLFSS, Cour des comptes…: des économies, encore !

Revenons sur les préconisations de la Cour des comptes. Elle vient de rendre son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, évidemment cataclysmique. Du fait de la pandémie, les dépenses liées au de Covid-19 ont explosé, tandis que les recettes ont fondu du fait du ralentissement de l’activité économique. Résultat : le déficit de la sécurité sociale atteint un niveau abyssal en 2021, de l’ordre de 34,8 milliards d’euros, après un record historique en 2020 de 39,7 milliards d’euros alors même que l’objectif d’équilibre était presque atteint en 2018 (-1,2 Md€) et en 2019 (-1,9 Md€). Le PLFSS 2022 prévoit néanmoins un déficit de la sécurité sociale en baisse de 13 Md€ l’an prochain, à 21,6 Md€.

Les dépenses liées à la crise étaient estimées à 22 milliards en 2020 et 15 milliards pour 2021 : 5 milliards pour la vaccination, 6 milliards pour les tests.

Conséquence de ces dépenses exceptionnelles, la sécurité sociale, a dû de nouveau emprunter pour rembourser la dette sociale : 44,7 milliards à fin 2021. La Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale ou Cades (l’organisme en charge du remboursement de la dette sociale au travers de la contribution CRDS), devait s’éteindre de sa belle mort en 2024 mais a vu sa durée de vie prolongée jusqu’en 2033… par conséquent, on sait qui paiera les dépenses Covid : les contribuables français. Heureusement, les taux d’emprunt sont très modérés du fait de la politique « de soutien » des banques centrales, la charge n’en sera que plus supportable…

Le PLFSS 2022 (téléchargeable ici) prévoit donc un Ondam de +2,6% (hors Covid hors Ségur), soit 7 Md€ d’augmentation pour être porté à 236.3 milliards d’euros en intégrant les mesures liées au Ségur de la Santé et à la gestion de l’épidémie de Covid-19, avec une répartition identique entre les soins de ville et les établissements de santé (+2,7%). Le tout est pour l’heure surtout financé par la forte baisse des dépenses de santé liées à la crise sanitaire (5 Milliards d’euros ont été provisionnés dans l’ONDAM 2022 après 14.5 milliards d’euros dans l’ONDAM 2021 rectifié). Pour la première fois en effet depuis 1950, la croissance des dépenses en 2020 n’a pas dépassé les 0,4 %, la forte baisse en dépenses de soins de ville ayant compensé les fortes hausses dans le secteur hospitalier (+37%), des soins infirmiers (+7%) et  bien sur les dépenses de biologie médicale (+37 %, pour atteindre au total 6,2 Md€).

On ne touche donc plus à l’hôpital. Effet d’annonce ? La réduction inexorable des capacités hospitalières semble néanmoins se poursuivre. Selon une étude de la Drees parue dernièrement, alors que la France compte un nombre de lit pour 1000 habitant en dessous de la moyenne de l’UE-15 (hors RU), plus de 5.700 lits d’hospitalisation complète ont été fermés en 2020 dans les établissements de santé français, créant dans le même temps près de 1.369 places d’hospitalisation partielle. Signe de ce déclin, la France compte désormais moins de 2983 hôpitaux et cliniques. Disposant très exactement de 386.835 lits d’hospitalisation complète fin 2020. Sous l’effet des réorganisations et des restructurations, 25 établissements publics et privés ont fermé l’an dernier (source).

À moyen terme, la pandémie aura également des conséquences financières : « la crise sanitaire pourrait être à l’origine, à l’horizon 2025, d’environ 8 Md€ de pertes de recettes pour le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. » Les dépenses, hors crise, sont aussi beaucoup plus importantes, du fait de la mise en place des mesures du Ségur de la santé : en 2022, les revalorisations salariales pèseront plus de 10 milliards d’euros sur les comptes de la sécu, de manière pérenne. Pire : passé 2024, le déficit pourrait stagner des années durant aux alentours de 13 milliards d’euros. Bref, un plan d’action drastique va être nécessaire pour juguler les déficits et financer les revalorisations salariales consenties dans l’urgence de la crise sanitaire en mai 2020, où il fallait encourager les braves petits soldats des hôpitaux « à y retourner ».

Ces revalorisations salariales concernent quelque 500.000 personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation travaillant au sein de la fonction publique hospitalière. Et ce, dès le 1er octobre 2021.

Ces hausses de salaire concernent également les personnes des Ehpad publics et privés et des cliniques privées. Elles seront prise en charge financièrement intégralement par les pouvoirs publics. Les diététiciens, les techniciens de laboratoire et les préparateurs en pharmacie hospitalière devront patienter jusqu’en janvier 2022 pour la revalorisation de leurs grilles salariales.

Dans le secteur privé, le personnel salarié des laboratoires, qui a bénéficié dans de nombreuses sociétés de primes exceptionnelles allant de 500 à 2000 euros en 2020 puis 2021, parfois d’un intéressement au bénéfice proportionnel, réclame naturellement de substantielles et pérennes augmentations salariales, n’ayant injustement pas bénéficié des revalorisations salariales financées par l’Etat à travers le Ségur de la Santé, contrairement au personnel des cliniques privés et des EHPAD. Des négociations avec la branche patronale qui échouent constamment et qui se révèlent encore plus difficiles depuis que de grands groupes financiers à la tête d’une large majorité de laboratoires en France doivent rendre des comptes en termes de profitabilité à leur actionnariat, une profitabilité loin d’être garantie sur facture dans le contexte actuel (enveloppe tarifaire contrainte, endettement majeur de nombreux grands groupes avec le risque de remontée des taux d’emprunt, notamment dans la catégorie High Yield). Ces groupes comptent beaucoup par conséquent sur la stabilité voire la diminution de la masse salariale pour la prochaine décennie. Faute d’accord sur les dernières négociations, la représentation patronale a décidé d’émettre seulement une recommandation d’augmentation de +1,5% de l’ensemble de la grille des salaires de la branche des laboratoires de biologie médicale extrahospitaliers des laboratoires au 1er avril dernier.

C’est donc avec une certaine amertume que la profession a accueilli les conclusions des magistrats financiers de la Cour des Comptes appelant à de nouvelles économies sur le secteur de la biologie médicale dont la « machine serait grippée ».

Mais nous y reviendrons plus longuement dans un prochain article.

Que réservent les futures négociations tarifaires à la biologie médicale, quel sera la teneur du futur plan triennal 2021-2023 ?

Pendant le premier confinement, l’activité ordinaire des laboratoires s’est écroulée de 22 %, ce qui s’est traduit sur l’année pleine 2020 par un recul de 5 % des revenus hors tests Covid-19.

Malgré ce contexte, le financement de la biologie courante a subi de nouvelles ponctions en 2021 : aux 82 millions d’euros pris sur 44 actes courants en avril 2021 à titre préventif pour éponger par anticipation le rebond de la croissance des remboursements risquant de dépasser l’enveloppe autorisée va venir s’ajouter encore une quarantaine de millions en fin d’année. Ce dépassement mériterait d’être analysé en profondeur car s’il concerne vraisemblablement des examens innovants comme le DPNI ou le génotypage RHD, ces derniers ne relèvent pas de l’activité de l’immense majorité des laboratoires « généralistes » et sont retransmis à des laboratoires spécialisés. Par ailleurs, ils permettent des économies d’actes médicaux ou pharmaceutiques dont l’activité n’est pas chiffrée et encore moins déduit de l’enveloppe de financement des actes de routine.

Bien sûr, les laboratoires de biologie médicale ne manquent pas de trésorerie en cette fin d’année 2021, on chiffre en moyenne la progression d’activité à +25/+30% malgré le ralentissement des activités de routine liées aux reports des soins. Cette bonne santé financière constitue une occasion unique de ré-investir. Dans de nombreux groupes, ces liquidités ont pu relancer les investissements hors Covid. Ces liquidités vont également permettre de désendetter certains groupes ayant largement abusé des plans LBO ces dernières années avec comme revers de la médaille, augmenter encore plus le prix de vente des parts des 25% de structures encore indépendantes et donner un coup d’accélérateur à la concentration ultra financiarisée et à l’endettement par ricochet du secteur, l’appétit des biologistes sortants ayant été paradoxalement décuplé par la revalorisation de leurs parts liée à l’activité Covid… le « quoiqu’il en coûte » venant ici faire écho au « toujours plus ».

Conclusion

En pleine crise sanitaire, les laboratoires privés de biologie médicale ont pleinement répondu à la mission qui leur avait été confiée par le gouvernement en réalisant 80% de l’activité PCR : déployer une offre de testing PCR, la technique de référence, en tout point du territoire, avec des délais de rendu extrêmement court, capable de cribler les variants et de séquencer par panel, avec une remontée en temps réel des données via la base SI-DEP, permettant de cartographier avec précision la dynamique spatio-temporelle de l’épidémie Covid-19.

Pour cela, les biologistes médicaux ont su faire preuve dans la gestion de cette crise d’une réelle capacité d’adaptation et d’anticipation. Cela a représenté beaucoup de travail, beaucoup de stress, dans un contexte difficile et une visibilité inconnue. Cette crise a eu également le mérite de mettre un peu plus dans la lumière notre trop discrète profession, notre savoir-faire aux yeux du grand public mais aussi des autres professionnels de santé.

Sans l’assurance d’un soutien financier de l’Assurance Maladie et la confiance du gouvernement, il est certain que rien n’aurait été possible. Mais les laboratoires de biologie médicale n’ont pas à s’excuser de leur contribution essentielle et irremplaçable dans la gestion de cette crise. Qui irait remettre aujourd’hui en question les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques commercialisant les vaccins, des fournisseurs d’automates, fabricant de réactifs, des pharmacies ayant fourni masques et gels, des professionnels de santé ayant vacciné en centre sur leur temps de repos ou de retraite, …

Dans le cas contraire, il faut se poser la question, les mobiliserions nous une nouvelle fois ? Que la vie a dû être douce pour des millions de personnes dites « non essentielles » subventionnés confinés, pendant ce magnifique printemps 2020…

La biologie médicale en France est aujourd’hui de plus en plus écartelée entre le process industriel qui lui est économiquement imposé et l’exigence éthique de la médicalisation et efficience de l’acte. Et l’on continue de vouloir lui appliquer les vieilles recettes de rationalisation des coûts et de concentration des actes techniques. On a pu voir ce que cela a donné avec les tests Covid en début de crise sanitaire… un niveau situé juste entre l’Ile Maurice et le Venezuala !

L’activité Covid va inévitablement (et c’est tant mieux) se tarir progressivement, la biologie innovante va réclamer un financement lourd, les technologies de l’information, également, le Ségur numérique nous permettant tout juste de rattraper nos 5 à 10 années de retard en la matière par rapport à ses voisins européens.

En tirant les leçons de ce constat, des promesses de réinvestissement, des revalorisation salariale méritée ont été consenties mais leur financement va à priori consister à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».

L’austérité pour la biologie comme pour le reste de la santé a t’elle encore encore de beaux jours devant elle ?

La bataille concerne notre propre organisation économique et sociale. C’est une crise de notre politique de santé, de planification, de recherche et de production, où la biologie médicale, l’industrie pharmaceutique jouent une place centrale, mais soigneusement maintenue à distance du débat public sur une politique d’affichage en termes de réduction des coûts de santé, notamment aux yeux de l’Union Européenne. La pandémie a révélé les failles de notre modèle fondé sur l’idée de la rentabilité économique de la santé, justifiant des baisses budgétaires toujours plus contraignantes pour les entreprises de santé, qu’elles soient publiques ou privées et surtout sans enjeu d’avenir, comme si le capital humain comptait moins que l’investissement dans le capital technologique…

Ce débat est à présent polluer par les survalorisations des prix des acquisitions dans le domaine de la santé où des fonds d’investissement n’hésitent pas à placer plus de 16 ou 20 années de bénéfice en imaginant anticiper des progressions exceptionnelles des résultats futurs… Aujourd’hui, cliniques privées, laboratoire de biologie, cabinets de radiologie, anatomopathologie, et demain ? les maisons de santé ?

Face à quoi les pouvoirs publiques semblent timorés, désarmés, d’une naïveté confondante, preuve en est, la récente proposition de recourir à des coopératives comme forme de société dans les centres de Santé, une proposition déjà soufflée voici maintenant 15 ans par l’artisan de la réforme de la biologie médicale M. Ballereau face aux craintes de financiarisation des laboratoires dont la perspicacité avec le recul laisse assez pantois…

C’est toute la tendance de sa politique de fond de ces dernières années que l’État cherche à faire oublier, en soulignant subitement l’importance de la santé publique. Emmanuel Macron, a pu déclarer devant près de 22 millions de téléspectateurs, le jeudi 12 mars 2021 : « ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il existe des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».

La visibilité économique de la profession reste incertaine et est scrutée de prêt par les investisseurs étrangers, posant à moyen terme l’enjeu de notre souveraineté en matière de santé, de données de santé.

Osons donner un horizon serein à la biologie médicale en France, une feuille de route, poser les nombreuses problématiques affectant aujourd’hui notre secteur. Leur prise en considération sera décisive.

Dans le cas contraire, nul doute que l’aveuglement politique préparera les prochaines crises de santé publique.

12 commentaires sur « Le faux procès de l’enrichissement des laboratoires d’analyses au cours de la crise Covid »

  1. Il n’y a pas de dividendes versés chez les leader, à l’exception des remontées des filiales (entre 80 et 90%) vers la structure faîtière qui porte la dette – cette trésorerie remontée finance la croissance externe en moyenne

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      1. Je viens de finir plusieurs LOI avec les leader, les chiffres en jeu monstrueux ce qui interroge …. le commun des mortels mais je n’en dirai pas plus même si vous devinez ma pensée

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      2. Vous dites souvent que les affaires valent ce qu’elle rapporte mais nous savons bien ici que le contexte monétaire expansionniste menées par les banques centreales et les valeurs anormalement basse des taux d’intérêt lié à cet argent « sans risque » car garantis par la BCE contribuent à gonfler le prix de ces actifs ici considérés comme « stratégiques » par les fonds de capital investissement (sans parler de la providentielle manne Cov-19…). L’inflation menace, les taux peuvent remonter. Biogroup a levé 1.3 milliards d’euros pour rouler sa dette début 2021 à des taux entre 3 et 5%. Comment se refinanceront ils ? Entre temps, les gains se seront par contre bel et bien évaporés…

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      3. Evolution masse monétaire :
        * 2 entre 2000 et 2015
        à nouveau *2 entre 2015 et 2021.
        Un prix d’achat *4 d’un labo ne fait que suivre les masses monétaires.
        Quand l’inflation aura rattrapé les vendeurs, ils se rendront compte qu’un prix *4 est juste un prix *1 compte tenu de l’inflation, et ils n’auront plus leur outil de travail…

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    1. Si vous disposez de ces données, merci de me les communiquer. Dans mon propre groupe (indépendant, taille moyenne), nous avons distribué de substantielles primes au personnel, signé tous nos devis en cours (investissement installation/renouvellement de plusieurs paillasses plus tôt que prévu + informatique/logiciels dont les prix deviennent astronomiques) et nous allons effectivement distribuer aux biologistes associés un dividende en progression (je n’ai pas encore le montant) qui va surtout servir à rembourser les emprunts qui ne font eux aussi que progresser au vue de l’inflation dans le prix demandé des parts des biologistes sortants.
      Dans les grands groupes, je pense que c’est idem, en dehors du fait que le désendettement ne profitera pas à l’association de jeunes biologistes…

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