La vente du groupe suisse de diagnostic Unilabs n’est plus un secret pour personne. Apax Partners, fonds britannique de Private Equity, détenant Unilabs depuis février 2017, avait engagé une première tentative de cession d’Unilabs en novembre 2019 mais avait finalement renoncé du fait de la survenue de la crise Covid début 2020.
Unilabs est présent sur 17 marchés en Europe, il compte 200 laboratoires dans le monde dont 160 laboratoires en France et 34 plateaux techniques, des centres de collecte de sang, des centres d’imagerie et emploie 12 600 personnes. Il est particulièrement actif en France, en Suisse, en République tchèque et en Espagne, mais aussi au Royaume Uni, Danemark, Norvège, Suède, et plus exotique, au Pérou et à Dubaï.

La holding AP Moller a annoncé vendredi 03/12/21 le rachat d’Unilabs (source). A.P. Møller-Mærsk, connu aussi sous le simple nom de Mærsk, est la plus grande entreprise du Danemark et la première compagnie maritime et plus grand armateur de porte-conteneurs du monde. Il s’agit d’une entreprise familiale dont l’histoire a commencé en 1904.
Encore un effet collatéral du Covid…
L’effervescence du transport maritime liée à la Crise Covid (augmentation de la demande mondiale d’importation en biens de consommation manufacturés) a profité au danois AP Moller-Maersk, leader mondial du fret maritime (exploitation de 20% de la flotte mondiale de porte conteneurs), après plusieurs années de difficultés financières. Le géant des mers a en effet engrangé un bénéfice net de 5,43 milliards de dollars au troisième trimestre, soit six fois plus que l’an passé pour un CA annuel de 50 milliards de dollars. De quoi se diversifier en investissement dans le transport aérien, la logistique et de façon peut être plus stratégique…. la Santé !
L’accord est actuellement en attente d’approbation par les autorités compétentes en matière de concurrence. Selon le communiqué, les parties ont convenu de ne pas divulguer les détails de la transaction. Le prix de cession évoqué est d’environ 4,3 milliards d’euros pour un chiffre d’affaire d’Unilabs estimé à 1.4 milliards d’euros en 2020. En 2021, son CA était de 2 milliards d’euros au cours de l’exercice se terminant en septembre, avec un excellent EBE. En 2019, le prix de vente annoncé était de 4 milliard d’euros pour 1 milliard de chiffre d’affaire. L’effet d’aubaine Covid ne se valorisera visiblement peut être pas aussi bien qu’attendu. Une subtilité peut être liée à la dette LBO du groupe estimée en 2018 à 1.9 milliards d’euros (donnée non publique Debtwire).
Beaucoup de candidats s’étaient fait connaitre dont Sonic Healthcare (société australienne de laboratoires médicaux), la société de capital-investissement américaine TPG Capital, le fonds belge Groupe Bruxelles Lambert, le canadien Brookfield Asset Management et un acteur de terrain, le groupe français de laboratoire numéro 1, Biogroup. Des acheteurs intéressés par la diversification internationale ainsi que par les activités transversales d’Unilabs dans la radiologie, le diagnostic et la biologie susceptibles de bien se valoriser.
Présent à la journée portes ouvertes de l’APBM le mois dernier, Stéphane Eimer, président de Biogroup, avait pourtant expliqué que « l’objectif du groupe était de disposer d’un maximum de laboratoires. Plus on en a, mieux c’est, mais il n’y a pas de volonté de gigantisme« . Il a ajouté que Biogroup rachetait « pour développer son réseau » et « n’était pas encore présent dans le Sud-Ouest et dans le Nord de la France« .
Des « synergies » attendues en cas de rachat par un acteur de la santé
Le directeur général de la filiale française d’Unilabs, Stanislas Guedj, a précisé que la seule préférence d’Unilabs était « que la vente se fasse le plus vite possible car les employés sont inquiets ». Il est vrai que le groupe a connu par le passé des tensions sociales.
« Si c’est un acteur national du marché qui remporte la vente (donc Biogroup), il y aura des synergies» . « Plus que des licenciements, ils auront besoin de mobilité de personnel. Si un autre fonds d’investissement acquiert Unilabs, il n’y aura par contre pas de changement majeur sur la stratégie »,
Un industriel aux commandes
Alors que nous avons vu dans de précédents articles en quoi l’accélération de la politique de revente des fonds de Private Equity témoignait avant tout de la volatilité et superficialité des investissements dans les sociétés non côtées (moins de 3 ans pour le détenteur précédent d’Unilabs Apax Partners), l’entreprise familiale AP Moller Holding annonce s’engager pour un cycle beaucoup plus long d’investissement.
Sa première tâche logique sera de désendetter le groupe Unilabs, le développer et le rendre plus compétitif. Unilabs mise sur la digitalisation et la simplification des procédures administratives pour permettre l’envoi de données de patients à d’autres laboratoires du réseau. « Nous voulons pouvoir envoyer les données d’un laboratoire à Paris à un expert à Lille» .
« L’étape d’après c’est de réussir à mailler nos laboratoires avec des experts à l’étranger »
Le groupe Unilabs France dont le mantra officiel est le « Care Big » (cf leur site internet dithyrambique sur la question) est en effet très actif sur le « digital »:
- plateforme Kiro, développée par une start up marseillaise, permettant de digitaliser le parcours patient, les comptes rendus médicaux, ainsi que l’interprétation automatisée des données médicales, destinée aux patients mais également aux médecins, grâce à un système « d’apprentissage automatique » afin de pouvoir « dégager du temps médical aux biologistes » (devons nous comprendre diminuer le nombre de biologistes médicaux nécessaire?). En phase d’expérimentation, la généralisation serait prévue d’ici la fin de l’année. L’entreprise promet que « toutes les données sont cryptées, selon la règlementation en vigueur. Dans les détails, les données sont hébergées par deux entreprises : OVH et Google. Bien que le service Cloud de Google soit certifié « hébergeur de données de santé » (HDS), le choix d’une société américaine soulève de nombreux questionnements depuis l’invalidation du Privacy Shield, ce texte qui autorisait le transfert des données personnelles entre l’Europe et les Etats-Unis… (article source). Pour en savoir plus, lire le communiqué d’Ubilabs ici.
- plateforme de télé-expertise médicale développée par une autre start-up française Conex Santé permettant aux biologistes médicaux de contacter en cas de besoin plus facilement le réseau de médecins généralistes et de spécialistes, par exemple « pour alerter sur des résultats d’analyses médicales, faire une demande de devis (sic ?) »… avec un déploiement sur l’ensemble du réseau de laboratoires d’analyses prévu pour 2022. L’objectif est de décharger les biologistes qui consacrent plusieurs heures de leur semaine à joindre des médecins généralistes ou spécialistes (article source)
Unilabs correspond bien à l’objectif et à la compréhension de notre groupe quant à la manière de gérer des opérations locales nécessitant un degré élevé d’automatisation et de logistique locale dans différentes zones géographiques. Nous voyons l’opportunité de développer les opérations de l’entreprise sur de nouveaux marchés, en offrant des solutions importantes et immédiates aux pays ayant un accès limité aux solutions de santé critiques, telles que les services de téléradiologie.
Robert M. Uggla, CEO, A.P. Moller Holding
L’avenir de la biologie médicale résidera t’il dans la mondialisation ? À rebours d’une idée dans l’air du temps, la lutte contre la pandémie ou le réchauffement ne seraient il plus efficaces que dans un monde encore plus globalisé ?
La nouvelle étude du cabinet américain McKinsey (qui a d’ailleurs aidé l’exécutif français à gérer la crise sanitaire Covid) « Globalization in Transition : The Future of Trade and Value Chains », est une preuve supplémentaire que nous sommes entrés dans un monde multipolaire. Si les échanges de biens ont augmenté en valeur absolue, ils sont proportionnellement plus consommés sur place qu’auparavant : « Une part plus petite des biens qui sortent des lignes d’assemblage dans le monde traverse maintenant les frontières pour être vendue. » Elle est passée de 28,1 % en 2007 à 22,5 % en 2017. Signe que les pays émergents qui produisent ces biens sont aujourd’hui davantage en mesure de les consommer. En revanche, le nombre de services qui traversent les frontières « augmente 60 % plus vite que les échanges de biens ».
McKinsey montre ainsi que la place de l’économie des services portée par les savoirs sera plus importante dans la mondialisation de demain.
Une chose est sûre, nous entrons dans une nouvelle dimension.
Salut.
Merci pour le site.
La mondialisation numérique va se heurter aux mêmes difficultés que les échanges de biens.
La multipolarité géopolitique va s’accompagner de la mise en place de blocs de communication qui n’auront pas forcément de liens entre eux.
L’accès à Internet, qui semble si évident aujourd’hui, pourra être remis en cause dans les crises qui s’annoncent (énergétique, sociale etc..) : https://www.laquadrature.net/2022/04/21/survivre-a-une-coupure-dinternet/
On revient aux basiques dans pas mal de domaines, faut encore faire le dos rond pendant quelques années mais l’humain va revenir au centre, même en biologie médicale !
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