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C’est un coup de tonnerre dans le ciel déjà bien sombre de la biologie médicale libérale. Le rapport charges et produit de l’Assurance Maladie qui vient d’être rendu public préconise une nouvelle baisse de NABM, inédite par son ampleur, à hauteur de 180 millions d’euros pour 2020 représentant un effort de -4.8% sur une enveloppe de remboursement de 3731 millions d’euros.

C’est presque le double du montant de 95 millions d’euros qui avait été imposé l’année passée et mis en application en concertation avec les syndicats professionnels via l’accord triennal 2016/2019, venant s’additionner au milliard de baisse cumulée depuis 12 ans. Cet effort représente 9% des économies tout secteur confondu (médicament, transports, paramédical ou structuration de l’offre de soin ambulatoire ou hospitalière) alors que la biologie médicale ne représente que 1.8% des dépenses courantes de santé.

En l’espace de quelques années, la profession a su s’organiser autour de plateaux techniques performants et accrédités, ce qui a représenté un investissement financier et humain des biologistes considérable. La biologie médicale est malgré cela la seule profession conventionnée à être contrainte de diminuer la valeur de ses actes chaque année du fait des augmentations de volumes afin que l’enveloppe de remboursement soit toujours quasi constante pour l’Assurance Maladie. En l’espace de 20 ans, tous les actes de biologie médicale ont ainsi vu leur prix réel divisé par 2. Alors qu’elle est trop souvent perçue comme un poste de coût, la biologie médicale française constitue au contraire un facteur d’efficience méconnu dans le système de santé.

L’ampleur de l’effort qui est aujourd’hui demandé par les pouvoirs politiques aux biologistes médicaux va irrémédiablement déstabiliser une profession déjà fragilisée par l’industrialisation rampante, la financiarisation et un endettement lourd de certains acteurs, ce qui rend conjectural son impact sur le long terme, notamment en termes de qualité, de proximité et de permanence des soins.

La biologie médicale, étape essentielle du parcours de soins, est financièrement sous pression

CSBM

La dépense allouée à la biologie médicale de ville ne représente qu’une faible part de la dépense courante de santé (1,8%) malgré son rôle déterminant dans l’identification et le suivi des pathologies.

Le principe de l’Accord signé depuis 2013 par les syndicats représentatifs de la profession et l’UNCAM était d’en finir avec le mécanisme de baisses unilatérales des tarifs opérées par la CNAM sur la période 2006-2013 et d’établir une enveloppe stable garantissant une visibilité sur plusieurs années.

Les baisses de nomenclature enregistrées sur les 6 années couvertes par les deux accords successifs ont été des mesures correctives afin de maintenir le volume des dépenses de biologie médicale dans l’enveloppe définie. Les dépassements de l’enveloppe constatés ont été le fait d’une augmentation de volume d’activité, et ce malgré l’implication des biologistes médicaux dans la maîtrise médicalisée.

Déficit de la Sécurité sociale de 1998 à 2016evolution solde ss

Bien que les comptes sociaux de la Sécurité Sociale se soient rapprochés de l’équilibre en 2018 comme s’en est félicité Agnès Buzyn il y a 1 an, ces négociations interviennent dans un contexte de dégradation des perspectives de finances publiques en 2019, compte tenu, nous précise t-on, de « l’impact financier des mesures d’urgence sociale adoptée fin 2018 en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». L’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires n’étant plus compensée par l’Etat, le manque à gagner pour la Sécurité Sociale est donc finalement estimé à environ 2 milliards d’euros, qu’il faut récupérer par tout moyen.

A sa création, la Sécurité Sociale était financée presque exclusivement par les cotisations sociales. L’ouverture des frontières et la concurrence internationale ont conduit tous les gouvernements à alléger le coût du travail pour rester compétitifs face aux produits venant de pays avec moins de protection sociale. Depuis 1994, la loi imposait au gouvernement de reverser aux caisses de Sécurité Sociale le manque à gagner résultant des allègements de cotisations patronales. Les derniers textes budgétaires votés sont sans appel : les baisses massives de cotisations sociales, représentant aujourd’hui 50 milliards par an se seront plus intégralement compensées à la Sécurité Sociale. Parallèlement, le budget de la Sécurité Sociale est à présent annexé à celui de l’Etat. La Sécurité Sociale ne pourra plus afficher d’excédents car ils seront versés en amont à l’Etat. Cela représenterait une somme de 6 milliards pris des caisses sociales (retraites, allocations familiales, APL…) au profit de Bercy au lieu d’aller alimenter la branche maladie davantage déficitaire.

Le déficit des comptes de la Sécurité Sociale n’est donc pas une fatalité, il s’agit d’une asphyxie programmée où l’Etat est doublement gagnant puisqu’il rééquilibre son propre budget et peut ensuite justifier de nouvelles coupes budgétaires de rééquilibrage pour l’Assurance Maladie et provoquer des réformes structurelles.

Nous devons donc être bien conscients que le système solidaire de protection sociale et toute l’organisation du système de santé français vont être impactés, années après années, devenant un terrain propice à de profondes réformes structurelles, si possible en privatisant et dérèglementant ce qui peut l’être subrepticement, sous couvert de progressisme et de compétitivité économique.

Une évolution des dépenses de biologie médicale en montant de remboursement bien inférieure à l’évolution des remboursements des soins de ville

Dans presque tous les pays riches, les dépenses de santé progressent à un rythme supérieur à celui de la croissance économique. La sensibilité des citoyens à leur état de santé, la diffusion du progrès technique médical, le vieillissement de la population ainsi que l’augmentation de l’incidence de certaines maladies chroniques sont de puissants facteurs structurels qui poussent inexorablement les dépenses de santé à la hausse. On estime la hausse tendancielle « naturelle » des dépenses de santé à + 4.5%/ an.

L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), créé par les ordonnances de 1996, est un indicateur d’objectif des dépenses de santé. Il est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale et s’applique aux soins de ville et d’hospitalisation.

En réaction à la crise des services d’urgence, le PLFSS 2019 a fixé la progression de l’Ondam  à 2,5% pour  2019, c’est 0.2% de plus que l’Ondam 2018.

ONDAM

L’Ondam ne constitue pas un montant maximal mais un objectif vers lequel il faut tendre. Ainsi, en 2018, les remboursements de soins du régime général ont été supérieur à l’Ondam en progressant de +2,7% pour les remboursements de soins de ville, qu’on peut notamment décomposer par l’augmentation des consultations remboursées de médecine générale (+4,2%) des soins d’auxiliaires médicaux (+4,2%) en 2018, des médicaments délivrés en officine (+3,1%). De nombreux acteurs, dont le Sénateur Alain Milon estime que les Ondam successifs n’ont pas permis des budgets suffisants, notamment en médecine de ville pour l’attractivité de l’installation libérale, et qu’ils sont responsables de la désorganisation grandissante des soins en France, avec un report sur le milieu hospitaliser, se révélant in fine plus coûteux.

La biologie médicale se distingue car elle est la seule activité de soin dont le montant des examens remboursés par l’Assurance Maladie ne suit pas l’Ondam et est même en recul en 2018 et ce pour la première fois de son histoire (-0,5% en 2018 après +1,3% en 2017 rapporté à une croissance du volume d’actes à +3,7% en 2017 (effet Levothyrox ayant fait exploser les prescriptions de TSH de contrôle).

Le plan gouvernemental est donc clair. Il s’agit de réaliser toujours plus d’examens de biologie médicale à un coût unitaire d’acte toujours inférieur, années après années, en intégrant de plus en plus rapidement dans une enveloppe fixe les actes innovants auparavant non remboursés. Certains laboratoires de biologie médicale arrivent à maintenir un CA en progression car l’augmentation de leur activité compense la baisse de leurs actes tandis que d’autres laboratoires avec une activité stable ou en diminution (notamment en zone de sous densité médicale) sont pénalisés par un coût unitaire plus bas et un affaiblissement de leur rentabilité, risquant à moyen terme de provoquer une inégalité d’accès aux soins sur le territoire par la fermeture de sites jugés non assez rentable.

La biologie médicale française est-elle trop coûteuse en France ?

L’objectif de rééquilibrage des comptes sociaux poursuivi par les pouvoirs publics amène souvent à citer en exemple l’Allemagne où les coûts analytiques figureraient parmi les plus faibles d’Europe, véhiculant l’idée d’un manque d’efficience du modèle français. Si  l’on compare le modèle médicalisé de la biologie française au modèle industrialisé allemand, il n’en est en réalité rien. Les coûts de remboursement de biologie par habitant par la Sécurité Sociale et son équivalent allemand sont tout à fait comparables (environ 60 euros/habitant/an) et représentent même 2.5% des dépenses générales de santé contre 1.8% en France.

En outre, la Cour des Comptes a mené en octobre 2018 une étude de comparaison européenne des systèmes de santé afin de permettre de retrouver un équilibre durable pour le financement du système de santé français. Elle a permis d’identifier plusieurs enjeux notamment sur l’organisation des soins de ville, de l’hôpital ou de la distribution des médicaments : la biologie médicale n’y est même pas citée.

Ni l’IGAS, ni l’IGF, d’habitude si promptes à dénoncer les rentes de situation n’ont finalement publié de rapport concernant le secteur de la biologie médicale comme initialement annoncé en 2018.

La biologie médicale, une spécialité médicale mal aimée des étudiants en médecine

Un autre aspect annonciateur d’un déclin pour le maintien d’un haut niveau d’excellence est qu’elle n’attire plus les jeunes médecins. En 2018, la spécialité biologie médicale a été pourvue dans les derniers rang de classement de l’ECN (7500 sur 8300 étudiants), bien après la médecine générale. En 2006, le dernier poste prix en biologie médicale l’était au rang 2500 sur 5000. En 2018, 18% des 111 postes ouverts en biologie médicale n’ont pas été pourvus, pourcentage se révélant croissant dans le temps.

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Comment la biologie médicale a su résister à une baisse de -40% de ses tarifs en l’espace d’une décennie ?

La contribution des LBM à la réduction des dépenses de santé était nécessaire et rendue possible par la rationalisation de l’offre de biologie médicale autour de sites de prélèvement satellites de plateaux techniques, dont le nombre a été divisé par 10 en 10 ans pour atteindre aujourd’hui 500 structures indépendantes. Ces économies d’échelle et la réorganisation de l’activité technique ainsi que le regroupement des services support a permis de dégager des économies d’échelle qu’il a été logique de répercuter.

Pourquoi cette stratégie de rationnement ne peut elle plus se poursuivre ?

  • Les gains de productivité se réalisent essentiellement sur la phase analytique. Les phases pré et post analytiques (prélèvement et validation biologique) ne sont pour le moment pas automatisables.
  • Les charges d’exploitation sont croissantes et incompressibles (notamment sur la part relative des coûts salariaux, à moins de fermer des sites de prélèvement et reporter l’activité sur les infirmières libérales avec un surcoût lié au prélèvement à domicile)
  • L’inflation générale de l’économie ne peut être répercutée sur le prix des analyses ni la facturation de frais supplémentaires aux patients 
  • Nouveaux frais fixes liés à l’accréditation qualité (estimé à près de 1% du CA d’un LBM)
  • Des résultats financiers inquiétants et contrastés (donnée étude PLIMSOLL 2018) :
    • La marge moyenne de bénéfices avant impots en chute pour 37% des LBM  en 2018
    • Le rendement RCAI/total de l’actif chute pour 46% des LBM en 2018. A noter que la médiane de cet indicateur de bonne santé financière est meilleur pour une SEL ayant un CA compris entre 4.7 et 9.3 M que pour des structures de plus de 17.4 M, ce qui semble indiquer que certaines entreprises en phase de croissance externe sont en difficulté financière, notamment du fait du niveau de leurs emprunts.

Le levier économique de la gestion ou de la déréglementation peut il contrebalancer l’effet de la pression tarifaire ? Quelles peuvent en être les conséquences ?

Les gains de productivité liés aux restructurations étant dans leur immense majorité réalisés, ne s’offrent aux LBM, pris en tenaille entre baisses de prix et hausse de charges, que deux possibilités : réduire leur rentabilité ou réduire leurs charges. Avec près de la moitié de l’offre de biologie détenue par des fonds d’investissement, réduire la rentabilité parait à priori exclue, c’est donc sur les charges qu’un levier va devoir s’opérer.

Le maillage territorial des laboratoires constitue une spécificité et un atout du modèle français face aux modèles étrangers. Celui-ci pourrait être le premier impacté, notamment dans les territoires les moins peuplés.

  • Fermeture des sites de prélèvement jugés non assez rentables en terme de nombre de dossier par jour
    • accès de plus en plus restreint à la biologie médicale de proximité sur le territoire français
    • difficulté pour accéder à la biologie réalisée en urgence, problématique dans un contexte où l’on cherche à désengorger les services d’urgence et transférer la demande en médecine de ville
    • plans de licenciement de techniciens d’analyse de biologie médicale
  • Concentration et sur spécialisation des plateaux techniques déconnectant complètement les trois phases de l’activité de biologie médicale (pré analytique, analytique et post analytique) : les équipes ne travailleront plus de concert avec un risque non négligeable d’erreurs ou de problème de qualité liés aux transports d’échantillons par nature fragile. Allongement des délais de traitement et de rendu (délai d’acheminement + diminution de la fréquence des séries).  Alourdissement de l’empreinte écologique liée au transport des échantillons sur le territoire (aujourd’hui l’externalisation vers un LBM de biologie spécialisée distant ne représente que 3 à 5% de l’activité, quelque soit la taille du LBM)
  • Diminution de l’efficience des LBM sur le plan de la santé publique et du service médical rendu (baisser le nombre de biologistes médicaux paraissant antinomique avec l’accroissement continue de l’activité, sa médicalisation et les nouvelles missions qui pourraient être confiées à ces derniers). Actuellement, un biologiste valide en moyenne 150 à 200 dossiers/ jour, il serait question de pouvoir passer à 400 voire 500 dossiers jour, avec les conséquences imaginables en termes d’erreurs et de non communication des résultats pathologiques vitaux.
  • Diminution des capacités d’investissement dans de nouvelles technologie et allongement des cycles d’investissement : report des renouvellement d’automate
  • Recours à l’endettement massif: perte d’autonomie économique et risque en cas de défaillance du secteur financier. La dernière opération en date pour le réseau de laboratoires de biologie médicale Synlab/Labco, contrôlé par le fond d’investissement international Cinven, a été d’emprunter 920 millions d’euros dans le cadre du refinancement d’une ligne obligataire. Un peu plus tôt en 2018, c’était BIOGROUP LCD qui levait 180 millions auprès de la Caisse de Dépôt et Placement du Québec, un investisseur prêt à accompagner l’entreprise, encore détenu majoritairement par le biologiste fondateur du groupe. Mais nul doute que pour beaucoup d’acteurs, la sortie des fonds prépare à terme l’arrivée d’industriels probablement étrangers au capital de la biologie.
  • Recours à l’évasion fiscale par un montage holding/filiales dans un pays dont la fiscalité est plus favorable représentant une perte nette de ressources pour le budget de l’Etat grâce à l’économie de l’impôt sur le bénéfice.

Ce phénomène pour les entreprises prend une ampleur croissante en France : on estime que le montant des profits transférés artificiellement dans les paradis fiscaux (Luxembourg, Suisse…) s’élevaient à 1 milliard d’euros en 2000. Il dépasse les 35 milliards depuis 2015. Au taux d’imposition légal, cela correspond à une perte de recettes fiscales de l’ordre de 14 milliards d’euros, soit 29% des recettes de l’impôt sur les sociétés.

Quelles positions pouvons nous défendre dans une logique constructive pour l’avenir de la biologie médicale libérale ?

  1. Alignement de l’enveloppe primaire de biologie médicale sur l’Ondam au même titre que les soins de ville (actes de biologie de premier recours).
  2. Création d’une enveloppe secondaire de financement pour les actes innovants avec calcul d’un coût prévisionnel et ajustement en cas de dérapage ; discussion d’intégration de certains actes de l’enveloppe secondaire dans l’enveloppe primaire s’ils sont éligibles suivant plusieurs critères (volume d’acte, absence d’agrément…) afin de ne pas pénaliser financièrement les LBM de premier recours.
  3. Maitrise médicalisée pour faire efficacement et durablement diminuer le  volume d’actes
    • Utilisation à grande échelle des données numériques de santé: transfert des résultats d’examens de biologie médicale dans les DMP patients afin de permettre une réduction de 10 à 15% du nombre d’actes de biologie médicale redondants réalisés en milieu hospitalier (économie attendue de 200 à 300 millions d’euros)
    • Intégration des biologistes dans la campagne nationale sur le bon usage des antibiotiques: production d’antibiogrammes ciblés sur les ECBU puis étendu à d’autres examens de microbiologie, accompagnement des prescripteurs, mise à disposition d’informations sur les dispositifs régionaux de conseils en antibiothérapie générateur d’une  économie sur la dispensation d’antibiotique de 75 millions d’euros.
    • Rémunération à la performance des laboratoires pratiquant la maitrise médicalisée suivant les référentiels de bonne prescription (bilan thyroïdien, groupe sanguin, vitamine D, sérologies infectieuses…) et sur les examens redondants ou inappropriés à l’instar de l’outil développé pour les prescripteurs libéraux (dispositif d’intéressement sur les économies générées de la limitation des durées des traitements, de prescription de bio similaires…). Les prescripteurs ignorent les tarifs des examens de biologie médicale et ne sont pas conscients que l’assurance maladie exerce une pression tarifaire très stricte relative à la croissance des volumes. La biologie médicale aurait ainsi un rôle fédérateur et plus confraternel que les caisses d’assurance maladie auprès des prescripteurs pour une prescription d’examens de biologie médicale plus raisonnée
    • Exiger des Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie (OCAM) la logique restitution des gains à l’Etat relatives aux baisses de NABM jamais répercutées sur les cotisations de leurs adhérents depuis 12 ans soit l’équivalent de plus de 300 millions d’euros cumulées et/ou participation au financement des actes innovants (forfait annuel inclus dans les contrats risque adhérents)

Alors que l’Etat souhaitait faire contribuer les OCAM  au financement du forfait patientèle, mesure issue de la convention médicale de 2016, sous la forme d’une taxe de 0.8% sur les cotisations (équivalent à un rendement annuel de 300 millions dès l’an prochain), Olivier Véran, député LRem et rapporteur général du PLFSS 2019 a fait voter en octobre 2018 un amendement repoussant l’échéance à 2021 afin de « respecter l’esprit des négociations conventionnelles ». Ainsi, les OCAM ne participeront qu’à hauteur de 50 millions d’euros à l’effort collectif de réduction des déficits l’année prochaine. Cette somme est à comparer avec la part du budget des OCAM consacré aux frais de publicité évalués à  2,8 milliards d’euros par an, ce qui correspond à plus de 60% du montant des dépenses remboursées de biologie médicale, ces frais augmentant deux fois plus vite que les remboursements accordés aux assurés.  Selon le rapport édifiant de la Drees sur les complémentaires santé, sur 70 milliards de cotisations encaissées, seuls 51 milliards sont réaffectés au remboursement des prestations de santé. Les économies d’échelle promises par les OCAM, dont le nombre diminue à grande vitesse depuis quinze ans, ne sont donc pas au rendez-vous. Leur moyen de se faire entendre : elles possèdent un énorme pouvoir de pression, en refusant la signature d’accords conventionnels, notamment sur la télémédecine, chère aux yeux de l’Assurance Maladie. Etrangement, l’autorité de la Concurrence ne s’est pas encore auto-saisie de la problématique.

4. Aligner les coûts administratifs de gestion de la santé sur les standards d’autres pays européens : l’Assurance maladie en France a un coût parmi les plus élevés au monde : 7% de la dépense totale de santé (contre 5,4% en Allemagne). Bénéfice de l’opération à terme :  3,9 milliards d’euros.

GESTION UNCAM OCAM

 

5. Mettre un coup d’arrêt à la financiarisation et à la spéculation grandissante autour des prix des LBM français Les moyens énoncés sans étude chiffrée d’impact associée par l’Autorité de la Concurrence dans son dernier rapport n’aboutiront qu’à la concentration des LBM, à l’opposé de l’objectif concurrentiel poursuivi, sans régler le problème de la détention du capital ni préserver la qualité et le maillage territorial.

Biologistes médicaux libéraux, des professionnels de santé résilients mais depuis trop longtemps martyrisés et déconsidérés

Au terme de cet exposé, une mobilisation d’ampleur coordonnée de la profession, dont les modalités restent à définir, et dépassant tout calcul politique et divergences économiques, semble incontournable. Certes, les groupes les plus importants aujourd’hui peuvent espérer pouvoir résister en comptant sur l’intégration de nouveaux actes remboursés pour encaisser la baisse sur leurs examens de routine. Cela mériterait d’être chiffré précisément car ce ne sont pas forcément ces actes qui sont les plus rentables. Lacher la proie pour l’ombre s’est souvent révélé une stratégie dangereuse à long terme, sans retour possible à l’état antérieur.

Souvenons nous que ce sont des actions de mobilisation qui ont permis à nos confrères radiologues de sortir de cette logique implacable de baisses.

Après dix ans de baisses tarifaires unilatérales comparables à la biologie médicale puis une grève en 2017, la FNMR a ainsi obtenu un accord courant jusqu’en 2020 reposant essentiellement sur la maitrise médicalisée et non sur la baisse de cotation de leurs actes.

Les dépenses d’imagerie médicale sont comparables à celles de biologie et ont représentées  4,3 milliards d’euros en 2017. Cette année, le rapport charges et produit préconise une régulation exceptionnelle de seulement 58 millions d’euros soit 1.3% du montant total remboursable. C’est trois fois moins que le montant exigé sur la biologie médicale.

D’après une enquête menée par le SDB (syndicat des biologistes) en mars 2019, 81% de la profession interrogée se prononçait pour une revalorisation de l’augmentation de l’enveloppe de remboursement de la biologie médicale autorisée supérieure à  +1%. 15 % des biologistes répondant souhaitaient même s’aligner sur la base fixée par l’Ondam, à l’instar des autres professions de santé. En cas d’absence de consensus sur les termes d’un accord plus favorable, 98% des biologistes se déclaraient prêt à débuter un mouvement de protestation.

Les syndicats représentatifs vont-ils quitter la table et refuser d’assister le petit doigt sur la couture du pantalon à la répétition du scénario bien rodé du comité de suivi du protocole qui aura lieu le 3 juillet prochain ?

Vont-ils réussir à s’unir, à fédérer et mobiliser l’ensemble de la profession derrière eux ?

Ne tiendraient ils pas l’occasion rêvée de médiatiser la gestion destructrice et volontaire du tissu concurrentiel des SEL des LBM français par les pouvoirs publics ?

 

Conclusion

Il faut être bien conscient que cette baisse d’une ampleur exceptionnelle et inédite n’a pas que pour seule vertu l’équilibrage des comptes publics. Elle va plonger de nombreux acteurs indépendants dans l’incertitude de la viabilité économique de leur modèle alliant indépendance financière et proximité pour un choix sans retour vers des structures d’envergure nationale, indépendante dans le meilleur des cas ou financière comme pis aller. Elle va donc être un moteur puissant de restructuration dans le cadre d’une nouvelle vague de reventes.  Demain, la « concurrence » se fera entre 2 ou 3 acteurs détenus par des fonds d’investissement étrangers dont l’objectif in fine sera d’entrée en bourse pour se refinancer avec peut être une alliance de LBM restés indépendants avant d’être eux-mêmes finalement rachetés, probablement sous la pression des départs de leurs associés les plus anciens ou de l’érosion progressive de leur chiffre d’affaire ou d’autres mécanismes concurrentiels (arrivée des réseaux de soin, retour des ristournes…). Un mouvement déjà bien connu dans les cliniques et le secteur des EHPAD. Les cotisations des assurés sociaux contribueront donc à enrichir un peu plus des fonds étrangers à la zone euro dans un secteur autrefois clé et compétitif du secteur sanitaire français.

Il y a 15 ans, la France était 1ère classée des 29 pays de l’OCDE pour l’efficience et la qualité de son système de santé. Aujourd’hui, elle est 16ème et perd 1 place par an.

Le secteur de la biologie médicale est un secteur dynamique et efficient ayant relevé tous les défis qui lui ont été imposés en 10 ans : restructuration, accréditation tout en maintenant la proximité et renforçant la médicalisation grâce à un modèle intégré pré – ana et – post analytique. Par l’asphyxie financière qui arrive par la politique « starving the beast » (des caisses vides), les mêmes causes produisant les mêmes effets, les pouvoirs publiques doivent d’attendre à ce que la biologie médicale embrasse les mêmes problématiques de la médecine de ville et urgences hospitalières : une spécialité sinistrée avec de grandes inégalités territoriales qu’il conviendra surement à terme de subventionner.

 

 

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Bibliographie complémentaire

Tableau récapitulatif des économies attendues des actions de l’Assurance maladie en 2020 (en millions d’euros). DR Cnam.

charges-produits

https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Communique_des_depenses_Fin_decembre_2018.pdf

http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/plfss2019-annexe7-20181012-153730-77-14.pdf

https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/184000357.pdf

https://www.ccomptes.fr/system/files/2018-10/RALFSS-2018-04-10-ans-evolution-systemes-soins-prise-en-charge-depenses-sante-en-Europe_0.pdf

https://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/rapport-charges-et-produits-2019_cp19_01.pdf

https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche37.pdf

 

 

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